Techniques de dépistage et de diagnostic innovantes

L’amélioration des techniques de dépistage ou de diagnostic permettent :

     - De dépister les cancers de façon plus précoce.

     - D’identifier des marqueurs tumoraux.

     - Décrypter le « typage de la tumeur afin de mieux adapter le traitement.

I - Techniques d'imagerie pour la détection précoce des cancers

   a) La radiographie photographie les structures denses en 2D :

 Des rayons X émis par un tube émetteur,  traversent le corps humain et sont plus ou moins absorbés par les tissus en fonction de leur densité. Ils impriment un film photographique placé à l’opposé du patient. Afin d’opacifier certaines structures creuses, des produits de contraste sont souvent injectés.

Pour réduire les doses de rayons émises lors des examens, les films radiographiques sont aujourd’hui, souvent remplacés par des détecteurs électroniques qui numérisent directement les images et sont plus sensibles que les plaques.

 La radiographie (mammographie) est la technique d’imagerie de première intention pour la détection du cancer du sein.


   b) Le scanner (ou tomodensitométrie) permet d’observer des organes et tissus en 3D :

 Le scanner repose également sur l’utilisation des rayons X mais permet d’obtenir des images tridimensionnelles des organes ou des tissus  sous forme de coupes ce qui permet de repérer des anomalies de structure jusqu’alors confondus sur des clichés radiographiques classiques en 2D.

  En pratique (Figure 3), un tube émetteur de rayons X tourne à très grande vitesse autour du patient et prend une succession d’images du corps à 360°. Des capteurs qui entourent le patient mesurent l’absorption des différents tissus.

  Le scanner permet donc de mieux localiser les tumeurs que la radiographie classique facilitant ainsi les biopsies : il permet aussi  de contrôler la réponse à la chimiothérapie.

  Comme pour la radiographie, un produit de contraste le plus souvent à base d'iode, opaque aux rayons X, peut être nécessaire pour mieux visualiser des tumeurs qui pourraient se confondre avec certains tissus avoisinants.

  Le scanner comme la radiographie sont des techniques d’imagerie par transmission (un faisceau externe traverse le patient).


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  Figure 3 : schéma de fonctionnement des rayons X au sein du scanner.


   c) L’imagerie par résonance magnétique (IRM), une technique très précise pour observer les lésions et les tissus :

 L'imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) est utile pour visualiser différentes structures et en particulier des "tissus mous" tels que le cerveau, la moelle épinière, les viscères, les muscles et les tumeurs avec des contrastes plus élevés que la tomodensitométrie.

 C’est un examen justifié lorsqu’un doute persiste après des radiographies ou un scanner.

 L'IRM repose sur le principe de la résonance magnétique : lorsqu’ils sont soumis à un champ magnétique, les protons des noyaux atomiques changent d’orientation puis reviennent à leur position initiale en émettant un signal. Ils se réalignent plus ou moins rapidement en fonction de la densité des tissus. Une caméra spéciale capte ces signaux et les convertit en image. En pratique, une bobine magnétique est placée autour du patient et balaye la zone du corps à étudier en créant un champ magnétique. Il s’agit d’une technique non invasive.

 

   d) La scintigraphie et la tomographie par émission de positons (TEP), utiles au diagnostic :

 La découverte de la radioactivité a conduit au développement de la médecine nucléaire avec la scintigraphie puis la tomographie par émission de positons (TEP) dans les années 1990.

  La scintigraphie  consiste à injecter au patient un radiotraceur ( généralement association d’une molécule vectrice et d’un marqueur radioactif). Ce radiotraceur en émettant un rayonnement gamma détectable par une « gamma-caméra » permet une localisation précise de la molécule dans l’organisme.

  La scintigraphie est généralement utilisée dans l’exploration de la thyroïde, du squelette (scintigraphie osseuse), en cardiologie (tomoscintigraphie myocardique) et aussi très fréquemment en cancérologie.

  La TEP (tomographie par  émission de positons ou PET en anglais), utilise des radioéléments qui émettent deux rayonnements diamétralement opposés. Un détecteur, placé tout autour du patient, capte les signaux qui coïncident et restitue une image d’excellente définition. Cette technique est surtout utilisée en cancérologie.

  Le PET Scan comme son nom l’indique combine la TEP et le scanner. Il s’git d’une technologie très récente et apparait comme un outil fondamental de dépistage et de suivi du cancer (Figure 4 à 6).

 

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Figure 4 : Image PET avec zones d’hypermétabolisme (colorées) pathologique mais structure anatomique pas clairement affirmée.

 

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 Figure 5 : Image scanner offrant une étude anatomique précise.

 Ainsi, la TEP repère les cellules ayant un métabolisme anormal, particulièrement les cellules cancéreuses et le scanner permet de situer les images obtenues à la TEP dans leur environnement anatomique. Il profite donc des fonctions de ces deux formes d'imagerie et les assemble.

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 Figure 6 : Image PET Scan combinant les avantages des deux technologies.

 

 La France possède plusieurs PET Scan qui couplent ces deux techniques. Le radioélément utilisé dans le dépistage et le suivi du cancer est le désoxy-D-glucose marqué au fluor 18 de courte durée de vie (110 minutes environ).

  Cet analogue du glucose est davantage consommé par les cellules cancéreuses actives que par les cellules saines, ce qui permet d’observer des "points chauds" dans l’organisme et ainsi de dépister des tumeurs ou métastases. L’atout de la technique est de fournir une estimation du volume de la tumeur mais également de son niveau d’activité tumorale.

  Le PET scan est une technique d’imagerie dite fonctionnelle car elle permet de visualiser les activités du métabolisme des cellules par opposition aux techniques d’imagerie structurelles comme celles basées sur les rayons X qui réalisent plutôt des images de l’anatomie.

  Ces dernières décennies ont donc été concrétisées par des progrès permanents dans les techniques d’imagerie :

      - La rapidité d’acquisition des images : la durée des examens ne cesse de se réduire grâce à des logiciels qui enregistrent des dizaines d’images en même temps et les reconstruisent simultanément. Cela améliore bien sûr le confort des patients. Radiographies, scanners et scintigraphies sont aujourd’hui effectués en quelques secondes ou minutes.

      - La sécurité : l’objectif de tous les constructeurs est de réduire les doses de rayons X et de radioéléments. Pour cela, ils développent des détecteurs ultra sensibles qui permettent de maintenir une image de très bonne qualité.

     - La qualité de l’image : accroître régulièrement la sensibilité et la résolution des appareils afin d’améliorer la qualité des images. Dans cet esprit, par exemple, les champs magnétiques utilisés en IRM sont de plus en plus puissants. Deux appareils fonctionnent en France avec des champs de 7 Tesla contre 3 Tesla en général.

    - Améliorer le diagnostic : les scientifiques recherchent sans cesse de nouveaux radiotraceurs à utiliser en scintigraphie afin d’étudier davantage de maladies et d’organes.

II - Développement des biomarqueurs tumoraux pour la détection des tumeurs et en prévention des récidives

    Les marqueurs tumoraux correspondent généralement à des molécules formées en petites quantités par des cellules normales mais qui se retrouvent produites en excès par les cellules tumorales, hyperactives.

 Ainsi, la concentration de ces marqueurs est généralement corrélée au nombre de cellules cancéreuses. Selon la nature du cancer, il existe un ou plusieurs marqueurs tumoraux. Certains sont communs à plusieurs types de tumeurs, d'autres sont très spécifiques à un cancer en particulier. Par exemple, l'ACE (Antigène Carcino-Embryonnaire) est anormalement élevé dans les cancers du sein, du côlon, de la thyroïde, du poumon, du rein, de l'estomac, du rectum, des ovaires...

 Le PSA est quant à lui  spécifique de la prostate, la calcitonine de la thyroïde et l'Alpha-Foeto-Protéine (AFP) du foie.

 En biochimie clinique, le terme de marqueur tumoral correspond à des substances sécrétées dans le sang par la tumeur et donc à des substances détectables et dosables par les méthodes analytiques de biochimie (celles-ci sont plus ou moins sophistiquées selon la concentration).

 Cette définition s'oppose à la démarche des anapathologistes qui travaillent sur la tumeur maligne elle-même. Pour eux les marqueurs tumoraux correspondent à ce qu'ils repèrent sur la cellule maligne par l'examen cytologique.

 Comme nous le verrons par la suite, le dosage des marqueurs tumoraux est la plupart du temps recommandé comme un indicateur de surveillance et d’évolution de la maladie sous traitement et non comme outil de diagnostic préventif.

 Il existe plusieurs types de marqueurs tumoraux (Figure 7).


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Figure 7 : Principaux marqueurs tumoraux et les organes qui les produisent.

 

a) Les proteines :

   - L’ ACE (ou Antigène Carcino-Embryonnaire). Cet antigène existe normalement dans le foie et le colon. Son taux s'élève dans de nombreux types de cancers évolués (foie, intestin, col utérin, sein, ovaire, vessie...). Toutefois ce marqueur n’est pas obligatoirement présent dans ces cancers. Il augmente aussi en cas d'alcoolisme, de tabagisme, de polypes intestinaux, de pancréatite. Il n'est donc utile en dépistage que lorsqu'il est associé à des symptômes suspects. Il est beaucoup plus fiable dans le suivi de cancers qui se sont avérés, chez le patient, producteur d'ACE.

   - L'AFP (ou Alpha-Foeto-Protéine). Cette protéine existe à taux élevé au cours de la grossesse et dans toutes les maladies du foie (cancer, cirrhose, hépatite alcoolique ou virale). Elle existe en grande quantité dans les tissus embryonnaires (foetus). Elle augmente donc également dans les tumeurs à tissu embryonnaire comme certains cancers du testicule ou des ovaires. Son dosage a donc un intérêt surtout dans la surveillance de cancers producteurs déjà connus et traités. Son utilisation en dépistage reste délicate d'interprétation.

   Autres marqueurs protéiniques nommés CA15.3, le CA 19.9 ou CA 125. Ces marqueurs sont utilisés une fois que le cancer a  été dépisté et traité. Ils n'ont pas d'intérêt diagnostic car beaucoup de personnes ont des taux spontanément élevés sans pathologie cancéreuse. Leur augmentation par rapport au taux antérieur permet d'évoquer une éventuelle reprise d'évolutivité du cancer initial. Le CA 15.3 sert dans les suivis de cancers du sein essentiellement. Le CA 19.9 sert dans les suivis de cancers du sein et de l'ovaire essentiellement. Le CA 125 sert dans les suivis de cancers de l'utérus (endomètre) et de l'ovaire essentiellement.


b) Les hormones :

Les hormones ACTH, la TSH, l’ADH peuvent accompagner certaines tumeurs rares. Elles ne servent que de marqueur pour le suivi. Prenons comme exemple la TSH :

   - La TSH (ou Thyréo-Stimuline Hormone). Elle est sécrétée par l'hypophyse pour stimuler le fonctionnement de la thyroïde. En son absence, la thyroïde arrête de fonctionner. Son dosage est utile dans les tumeurs à tissu thyroïdien. En effet, ces tissus pathologiques prolifèrent sous l'effet de la TSH, ou involuent en son absence. Le dosage de la TSH a donc surtout pour intérêt de s'assurer de la suffisance de la dose d'hormone thyroïdienne pour mettre au repos les tissus thyroïdiens, pathologiques ou non.

 

c) Les enzymes :

   - Les phosphatases alcalines. Ces enzymes augmentent en particulier en cas d'atteinte osseuse ou de blocage des voies biliaires. En cas de tumeurs osseuses, ces enzymes augmentent surtout s'il s'agit d'une tumeur d'origine osseuse et non liée à la généralisation d'un autre cancer (métastases).

Au niveau hépatique, elles marquent initialement la présence d'un obstacle soit dans le foie, soit après le foie (voies biliaires externes et pancréas). Cet obstacle peut être un cancer, mais cela peut être aussi une cirrhose ou un calcul.

   - Les PSA libres (Phosphatases Acides Spécifiques de la prostate). Ce marqueur augmente en cas de cancer de la prostate, mais aussi en cas de constipation, de prostatite (ou infection de la prostate). Certains médicaments pour réduire l'adénome prostatique ou pour la calvitie font réduire ce taux artificiellement et peuvent gêner un bilan de cancer prostatique.

Ce marqueur, très sensible, doit donc être interprété par le médecin en fonction du contexte (âge, infections, troubles...)

En dépistage, il est inutile de le demander très souvent, car les taux augmentent lentement. (Tous les ans ou tous les deux ans, passé 60 ans, plus ou moins en fonction du contexte.

   Dans le cadre d'un suivi de cancer de prostate traité, la fréquence des dosages peut devenir plus importante. La remontée des PSA signe jusqu'à preuve du contraire, une reprise de la maladie. Les augmentations massives font craindre des lésions métastatiques osseuses.

III - Le séquençage du génome afin d’affiner le diagnostic, « personnaliser » les traitements

     Pour la plupart des cancers, le diagnostic repose toujours sur l’analyse histologique de cellules ou de tissus après biopsie. Dans certains types de cancer, des marqueurs moléculaires complètent la classification histologique depuis longtemps.

En effet avec l’avènement des puces à ADN, les cliniciens ont considérablement augmenté leur capacité de rendre compte de l’hétérogénéité d’un type de cancer. En analysant les niveaux de milliers d’ARN messager en même temps, ils sont désormais capables de définir des “signatures” d’expression proteique des gènes caractéristiques d’un sous-type donné. C'est l'analyse transcriptomique qui a pris beaucoup d'essor dans la première décennie du XXI ème siècle.

Selon les auteurs, la baisse spectaculaire et récente du coût des techniques de séquençage permet ainsi d’envisager que, dans un futur peu éloigné, le séquençage complet des génomes et leur association à celles du transcriptome (mARN) des tumeurs soit effectué en routine lors des  essais cliniques  puis généralisées comme préalable à tout traitement des cancers.

Le recours à des signatures d’expression des gènes devrait permettre aussi de définir un risque de récidive du cancer et les phénomènes de résistance aux thérapies anti-cancéreuses et, ainsi, de mieux adapter les traitements.

Dans le cancer du sein de stade précoce, il existe déjà plusieurs tests ayant démontré une certaine capacité à identifier les patientes les plus susceptibles de bénéficier d’un traitement adjuvant. Par exemple, depuis plus de 10 ans, la prescription du trastuzumab (Herceptin) s’effectue sur la base d’un test moléculaire mesurant l’amplification de la protéine HER2.

Toutefois si l’usage rationnel des thérapies ciblées a permis des progrès considérables, de nombreux patients font encore l’expérience d’une récidive de leur maladie parce que leurs tumeurs acquièrent une résistance aux médicaments.

Aujourd’hui, la stratégie consiste à mettre en œuvre des thérapies ciblées de seconde ligne. Mais, d’après les scientifiques si les clones résistants sont déjà présents en petit nombre dans la tumeur primitive, ne pourrait-on les détecter de façon précoce? Selon eux, le séquençage profond des génomes du cancer devrait apporter une réponse positive à cette question et permettre de définir très tôt une combinaison de traitements visant à minimiser, pour les clones résistants, les chances de proliférer et de dominer la population cellulaire de la tumeur.

En résumé, les scientifiques ont l'espoir que, d’ici quelques années, les traitements  des cancers seront profondément transformés sous l’effet de deux évolutions majeures: la connaissance du catalogue complet des mutations des principaux types de cancer  et la possibilité de déterminer, pour un coût modeste, la séquence complète du génome tumoral des patients.

En France, plusieurs thérapies ciblées ont d’ores et déjà reçu une autorisation de mise sur le marché restreinte à un sous-groupe de patients identifiés selon les caractéristiques biomoléculaires de leur tumeur (voir le Tableau 1 ci-après).

Si cette liste est encore réduite, ces traitements sont destinés à des pathologies fréquentes (cancer du sein, cancer colorectal et le cancer du poumon) et concernent donc un grand nombre de patients. Plusieurs thérapies ciblant d'autres altérations moléculaires sont en cours de développement clinique. Le choix du traitement des patients sera orienté prochainement par le résultat de la détermination d'un panel de biomarqueurs (ou "compagnon diagnostic") spécifique à chaque localisation.

 

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Tableau 1 : Tests effectués par les plates-formes de génétique moléculaire en France pour la prescription des thérapies ciblées.

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