Interview n°1

Interview de Marie Vidal radiophysicienne des hôpitaux dans la protonthérapie.

En quoi consiste la protonthérapie ?

« Comme vous le savez, la radiothérapie externe consiste à irradier les tumeurs avec un faisceau de particules tout en épargnant le mieux possible les tissus sains environnants. L’interaction de ces particules avec la matière vivante engendrent des lésions au niveau des molécules d'ADN, qui empêchent la prolifération des cellules irradiées.

La majorité des dispositifs de radiothérapie externe utilisent des faisceaux de photons ou d’électrons. Les photons interagissent dans le corps par collisions élastiques et inélastiques avec les électrons des atomes qu'ils rencontrent. Le faisceau de photons est atténué avec la profondeur de tissu traversée : ils déposent le maximum de leur énergie en surface (après quelques millimètres de mise en équilibre électronique), puis après la profondeur du maximum de dose, leur énergie décroît avec la profondeur. Dans le cas de tumeurs situées en profondeur, ce dépôt de dose en surface est compensé par la multiplication de portes d’entrée (faisceaux de photons avec différents angles qui entrent dans le patient), afin d’atteindre une dose maximale dans la tumeur, et minimiser la dose aux tissus sains environnants.

Depuis une vingtaine d'années, certains centres de traitement exploitent les propriétés balistiques des protons pour irradier les tumeurs. Les protons interagissent avec les électrons présents dans la matière et perdent leur énergie par collisions jusqu’à s’arrêter complètement une fois leur énergie réduite à zéro. Les protons déposent la plus grande partie de leur énergie sur une petite zone de leur trajet appelée pic de Bragg, en fin de parcours, juste avant de s'arrêter (voir figure ci-après).

 

Cet avantage est double, puisqu'en réglant l’énergie des protons accélérés, il est possible de faire coïncider la profondeur de pic avec celle de la tumeur, et de ne pas avoir de dépôt d’énergie au-delà de cette dernière. En outre, le faisceau de protons peut être modulé en profondeur afin d’élargir le pic de Bragg en fonction de l’épaisseur de la tumeur. L'utilisation des faisceaux de protons présente aussi un autre avantage : contrairement aux faisceaux de photons, nous observons une faible dispersion latérale conséquence de la diffusion limitée des protons au cours de leur trajectoire. Ainsi les tissus sains situés en bordure du champ de protons sont mieux protégés.

Comment sont produits les protons ?

Pour produire des protons adaptés à la clinique, deux types d’accélérateurs de particules sont utilisés : les cyclotrons et les synchrotrons. Dans le cas des cyclotrons, les protons sont produits au cœur de l’accélérateur grâce à un système qui ionise un gaz de dihydrogène (H2) avec un arc électrique et créent des protons (H+). Ces protons sont mis en mouvement de rotation grâce au champ magnétique du cyclotron, tout en étant accélérés à chaque tour par une force électrique. Une fois l’énergie requise pour l’irradiation atteinte, ils sont extraits de l’accélérateur grâce à un champ magnétique contraire à celui du cyclotron et transportés jusqu’aux salles de traitement. Les caractéristiques du faisceau de protons (énergie, mise en forme, balayage…) sont personnalisées en fonction de la tumeur à irradier.

Pourriez- vous nous expliquer votre métier ?

Mon travail consiste à modéliser les phénomènes physiques dans le corps du patient, à modéliser le dépôt des protons dans le patient. Cela met en œuvre plusieurs domaines de compétences scientifiques associant la physique, l’informatique et la médecine.

Mon rôle est d’aider à la conception et à l’optimisation d’un logiciel de calcul de dose de protonthérapie permettant au radiophysicien de calculer précisément la dose et la balistique des faisceaux de traitement, en fonction de la tumeur à irradier et des organes à risque définis par le médecin radiothérapeute. Nous passons ensuite à la phase de validation, une fois le logiciel établi, dans patients dits «  fantômes » (fantômes anthropomorphiques, constitués d'os et de tissus équivalents eau, poumons,…).  J'ai également travaillé sur l'évolution des techniques d’irradiation au cours de ma thèse réalisée au Centre de Protonthérapie de l’Institut Curie d’Orsay (91), et j'ai eu la chance de voir l'application de mon travail sur les patients. Cependant je suis beaucoup moins en contact avec eux que le médecin radiothérapeute ».

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